MODUS OPERANDI
Modus Operandi (peinture et installation de matériaux divers, 2020)
(Notes d’exposition) : “Installation d’un support de « tableau », avec le tableau. En plâtre et bois. Une sorte d’étayage (qui se transformera plus tard en chevalet, dont le modèle est celui des Ménines). Les matériaux ayant servi à sa construction sont laissés là (sacs de plâtre, bois, bassine, outils divers).
Il faut contourner cet envers du décor pour se placer face au tableau. Ses dimensions (230cmx160cm) lui permettent d’occulter l’espace du chantier. Le spectateur disparait donc derrière le tableau.
La peinture « rappelle » le point de vue qu’on a en arrivant. Elle montre son envers, et, finalement ne montre rien. C’est le processus du travail qui est dévoilé, le modus operandi.
L’envers du tableau est un appel à se déplacer pour aller voir de l’autre côté. En soi, ce mécanisme du désir, ce magnétisme, qu’on trouvait avant par exemple dans le rideau fermé du théâtre, est pour moi un enjeu. Mû par cette injonction de voir, le spectateur se déplace. Ce déplacement est une articulation.
Le spectateur traverse une scène, puis assiste à nouveau à cette scène, par l’image. Comme la remémoration de l’instant passé. Il semble qu’il ne verra jamais l’image représentée.
L’image lacunaire est une constante dans mon travail. Cette idée est présente dans les « Ménines » de Velazquez, donc (la toile à l’envers est celle que nous sommes en train de regarder ?), et dans l’ »Enseigne de Gersaint », tableau emblématique de Watteau, qui a pour moteur la disparition d’une « icône »(celle de Louis XIV), et, de ce fait, l’effacement de l’image. En y regardant bien, cette représentation de l’échoppe d’un marchand de tableaux, (avec ses couples de clients, jeunes et vieux, ses jeux de miroirs et de regards, sa « mise en scène » du spectateur), est une danse de la vie vers la mort : une vanité.
Cette idée d’image manquante est illustrée dans plusieurs de mes travaux par le ponçage ou le grattage de murs, pour retrouver une surface initiale (occultée par les ajouts successifs et le temps). Le premier de ces « ponçages » (sur un mur en plâtre) reprenait la disposition de tableaux aux murs des Salons du XVIIIème siècle. À la fois traces d’hypothétiques tableaux ou projection lumineuse des carreaux d’une fenêtre, ces rectangles blancs étaient les témoins d’une disparition et les vestiges de moments fugaces. Des vanités.”