LORRAINE



Juste dans le virage                                                        

Un peu en contrebas

Au bord de la marge,

Ne cherche plus...

C'est là !


Une enseigne clignote

Il y manque deux lettres

Il y manque deux notes

Comme dans le jeu-mystère.

C'est là que tu laisses ta peine

C'est là l'autre facette

Le repaire de Lorraine

C'est là que tu t'arrêtes.


Entrée indépendante

Libre et sans contrôle

Le sas comme un passage

La porte à deux battants;

Tout de suite t'es dans ton rôle

Ici c'est évident

Tu joues ton propre personnage

Avalé dans l'image.


Lorraine est là

Qui te sourit

Elle te connaît pas

Mais c'est pas grave elle te sourit.

Elle accueille des parrains

Qui n' le sont pas vraiment,

Ils se sont fait la main

Sur une affaire de faux diamants.


Sous la boule à facettes

Qui crache des étincelles

Des couples se caressent

Devant le grand miroir;

Dis-moi que je suis belle !

Plus belle que ces pucelles !

Ô viens ! Allons voir si la rose

A bien éclos ce soir !

`

Boire ! boire !

Oublier tes déboires !

Bien diluer la déveine !

En matant les seins de Lorraine. 


Deux lycéens émus

Essaient tous les alcools

Sans jamais quitter des yeux

La poitrine de la patronne


Elle leur dit: " Mes chouchous

Vous avez assez bu "

Les guidant d'une main experte:

" Celle-ci vous est offerte ! "

En gros, on voit ses seins,

Ensuite, on la voit elle,

Face à face hollywoodien

P'tit chemisier en dentelle.


Un vieux routier habitué

Depuis longtemps l'appelle maman;

Elle lui remet un jeu de clefs,

Lui tire la joue en le flattant.


Boire ! boire !

Oublier tes déboires !

Bien diluer la déveine !

En matant les seins de Lorraine.


Trois vrp en stage

Flambent dans leur costard

Champ' et nouveau challenge :

Les deux copines au bout du bar.


En sortant des toilettes

Je croise ton regard...

T'avais les yeux noisette....

Mais il est beaucoup trop tard !


...


Le ton monte d'un cran

Atmosphère de dénouement

Un type se lève

Le verre éclate

Ils l'ont sorti les yeux hagards;

Elle s'est mise à pleurer

Tu t'es rapproché d'elle...

Sa main... sa nuque... un baiser...


Boire ! boire !

Oublier tes déboires !

Bien diluer la déveine !

En matant les seins de Lorraine. 


Juste dans le virage

Un peu en contrebas

Au bord de la marge,

Ne cherche plus

C'est là !


GROTESQUE



Du toit de l'Opéra Comique

Où je vais m'asseoir dans la goule

Des gargouilles que je domestique

Entre mes doigts je tiens la foule


Qu'ils sont dociles à mes harangues

Ces braves gens si ridicules

Pourtant je leur tire la langue

Un joli masque sur le cul !


Je saute au cou de la Princesse

Je me prend pour le général

Je loue l'ivresse et la paresse

Ou l'élégance provinciale !


J'suis mélomane à l'occasion

Je chante : "Vive la Liberté !"

Vers minuit la maréchaussée

Vient m'accompagner au violon !


Je suis un grotesque

La vie n'a pas de prix

Dans mes faits et gestes

Aucune monotonie !


Le jour de la fête Nationale

Barbapapa et Marche Turque

Sur le parcours archiducal

Je lève une barricade en sucres !


Avec ma carabine en bois

Et mes moustaches tire-bouchon

Je sais bien qu'ils ne font pas l' poids :

J' lance une tirade au bataillon :


" Pas de mesure, pas d'ordre, pas

De circonstancielles excuses,

Plutôt que de marcher au pas

Qu'on en finisse à l'arquebuse ! "


Cornepistrouille ! Pan ! T'es mort !

Un soir de Quatorze Juillet !

J' veux ma dépouille au Panthéon !

Même leur parade c'est pour de vrai !


Je suis un grotesque

La vie n'a pas de prix

Dans mes faits et gestes

Il n'y a point d'ennui !


Faites venir devant ma tombe

Un choeur antique et un grand gong !

Qu' Ubu, Frère Jean des Entommeurs

Entonnent un cantique tapageur !

.... Et rendez-nous Fellini !

Qu'il pleuve des fleurs !

J'y mets un point d'honneur

Et quelques confetti...

             JAMAIS L’TEMPS !



           Jamais l’ temps de faire un voeu

Jamais l’ temps de rire un peu

Jamais l’ temps de faire un noeud

Jamais l’ temps de faire la queue

Il faut il faut qu’ la vie ici

Sans arrêt porte ses fruits

Mais quel est donc ce joli bruit?

Une pomme est tombée dans mon lit!

Et quoi et quoi j’ la garde pour toi

Mais recrache bien tous les pépins

À quat’ pattes si je cherche bien

J’ les r’ planterai dans mon jardin


Jamais l’ temps de faire le clou

Jamais l’ temps de s’ casser l’ clou

Jamais l’ temps d’ enfoncer c’ clou

Jamais l’ temps d’ oublier tout

Je dis peut-être à l’ homme-canon

Mais je dis non à la femme sans tête

Je dis non non non non non

Et merci pour les cacahuètes!

Il faut il faut s’ faire des amis

Pour avoir l’ air très occupé

Mais ils viennent vous voir vos amis

Chaque fois qu’ vous êtes trop occupé!


Jamais l’ temps de faire un voeu

Jamais l’ temps de rire un peu

Jamais l’ temps de faire un noeud

Jamais l’ temps de faire la queue

Il faut il faut qu’ la vie ici

Sans arrêt porte ses fruits

Mais quel est donc ce joli bruit?

Une pomme est tombée dans mon lit!

Une pomme est tombée dans mon lit!


LE PROCES




                      - Martin! Levez-vous, Martin!

  Martin, qu’avez-vous mangé à midi?

- Rien

- Pourquoi?! N’aimez-vous pas les animaux?



- Martin! Qu’ avez-vous fait cette nuit?

- J’ ai dormi

- N’avez-vous donc pas d’ amis?



- Martin! Où étiez-vous le seize octobre mille neuf cent quatre vingt

   treize?

- Je ne sais pas

- Vous regardiez la mer! Ne lisez-vous pas les journaux ?!

- Quelquefois...



- Etes-vous joueur Martin?

- Pas spécialement

- Vous mentez! Lancez votre dé !



- Martin ! Vos voisins, vos enfants, votre mère vous accusent!

  En conséquence, nous vous condamnons à vous réveiller!...

ALICE



Dans la chambre en silence

Voyageuse immobile

Un navire appareille

Puis disparaît

Un navire appareille

Puis recommence

À l'horizon hypothétique.

Les ombres du mobile

Viennent et vont doucement

Et dans les yeux d'Alice

Tournent des évidences.


Alice ne voudrait pas grandir

Quitter le jardin des délices

Entre rêve et réalité

Le spectacle va commencer !


Ils ont choisi le papier-peint

Tu t'es perdue dans le motif

En y retrouvant le chemin

Du labyrinthe primitif

Quelles sont ces pierres fabuleuses ?

- Des cailloux dans un sac !

Et cette étoffe précieuse ?

- Un papier dans la flaque !


Alice ne voudrait pas grandir

Quitter le jardin des délices

Entre rêve et réalité

Le spectacle va commencer !


Tu inventes une langue

Pour la flore des lagunes

Cette crique est un cirque

Et les moustiques du lac

Des monarques d'Afrique !

D'un dessin sur le sable

Tu repeuples la lune

Le monde dans tes mains s'anime

Extravagante pantomime.

LIFTIER



Pousser ma pierre sur la colline

Porte d'accès ne pas bloquer !

Prêt-à-porter et lingerie fine

À l'entresol, par l'escalier.


Aller aux astres ou au désastre

Eteignez votre cigarette !

Les luminaires sont dans l'espace

Aménagé à cet effet.


Liftier c'est mon métier

Monter, descendre et puis remonter

Tenir la verticalité

Pour le mat de la destiné !


Fuir pour ne jamais mentir

Aidez-nous à lutter contre l'envol !

Jeux, cosmétiques, brosses à reluire

Les coffre-forts sont au sous-sol.


Agir sans cesse et sans remords

Tous les abus seront punis !

Canapés, articles de sport

Nous sommes ouvert même les lundi.


Liftier c'est mon métier

Monter, descendre et puis remonter

Tenir la verticalité

Pour le mat de la destiné !


Tendre la main comme un passeur

Mettez une pièce dans l'appareil !

Réveils-matin, aspirateurs

Voyez notre ingénieur-conseil !

J’ CONNAIS UN JEU



            Moi, j’connais un jeu

Un jeu passionnant

Qui développe la mémoire

Et qui se joue en mouvement.

On peut le jouer à mille

Ou bien seulement à deux

Mais seul jamais jamais

Personne ne l’ a fait!


Prend soin de ton partenaire!


Il faut de la ficelle

Beaucoup beaucoup d’ ficelle

Et quelques bouts d’papier

Qu’on va relier entre eux

Cà fait un grand manteau

A se mettre sur le dos

Un chapeau ridicule

Donne du piment au jeu!


Prend bien soin de ton partenaire!


Une fois qu’ on n’ est plus nu

On peut prendre la parole

Et dire des mots idiots

Des mots qu’ existent plus

Une fois qu’ on a parlé

Il faut aller plus haut

On peut toujours gueuler

Crier comme un oiseau!


Mais c’est toujours pareil:

Prend bien soin de ton partenaire!

C’ est la règle du jeu.


Le jeu des inventions

Le jeu des travestissements

Le jeu des métamorphoses

Le jeu de cache-cache

De loup-croqué

De chasse-nigaud

De qui-voudra-pourra

Le jeu de l’ offrande insomniaque

Le jeu de l’ intranquillité couronnée

Le jeu du hasard provoqué

Le jeu éthylique et irresponsable du vol et du don

Le jeu des sacrifices

Le jeu d’échange

Le jeu du regardeur regardé

Des amants retrouvés

Le jeu désintéressé de la réalité accomplie

Le jeu de la vie!

HI-TECH LOVE



Aux jolis mois d'été

Dans mon automobile

Je longe la vallée

Qui prolonge la ville.

J'aime chevaucher loin

Ma folle mécanique,

Tous deux ne faisons qu'un;

Essor métabolique.

De son noble courroux

Je tire ma fierté.

Sur les chapeaux de roues

Mon intrépidité.

C'est un modèle anglois

Intérieur plaqué bois

C'est écrit en anglais

Sur le mode d'emploi...


Je monte une créature

Conçue pour me séduire

Pareille à ma ouature

Toute gainée de cuir

La moue sophistiquée

Le sourire équivoque

Amour appareillé

Symptôme d'une époque

Elle tripote un diamant

Je pousse une manette

Elle ment comme une enfant

Ma manoeuvre est parfaite

Des reflets de métal

Lui effleurent la peau

Comme le son digital

De l'auto-radio...


Tout le pays défile

Surpris à cent-soixante

Devant nous immobile

La nature est vivante !

Nos yeux perdus en coeur

Aux axes métronomiques

Ont l'infinie douceur

D'ondes électroniques.

Allez fonce petit bolide !

Résous le monde entier

Dans l'impeccable fuite

De tes enfants pressés !

Plus vite ! Plus vite !

Plus belle ! Plus belle !

Plus vite ! Plus vite !

Plus belle est la campagne !

Plus vite ! Plus vite !

Plus belle ma compagne !

Décroise les genoux

C'est ta vitesse naturelle !


Dieu est content de nous !



L'INVENTEUR



Du fil de fer

Une clef anglaise

Un vieux matelas

Du caoutchouc

Des bougies

Quinze mètres de chaîne

Une scie sauteuse

Un fauteuil Louis XV

Des bois flottés

De la ficelle

Du tuyau  pvc

Des plumes d'autruche

Un tourniquet...

Beaucoup d'amour et d'innocence

Très peu de science mais d'la patience

Il a le sens du non-sens

Et la justesse d'un vieux tromblon.

Ses amours mortes, ses mauvais jours

Optimisés dans un mortier

Lui font accepter la défaite

Comme matière à faire la fête.


Toujours à l' Oeuvre, il perfectionne

Un chasse-mouches, une chaise cannée;

Il agrandit des vieux klaxons

Qu'il voudrait bien voir naviguer.

Dans son garage il a vécu

Tous les grands moments historiques :

Coliseum en papier alu

Sur lunes synthétiques.

Avec du vieux il fait du neuf

Avec des plumes, par déduction,

- Toute la poule était dans l'oeuf -

Il a fait un avion...

Mais aujourd'hui rien ne va plus,

Même équipé d'un mackintosh

Le vieux coucou ne répond plus !

On ne crée pas sans anicroche...

Fébrilement il palpe encore

Le fond d'ses poches...

" Voilà mon affaire, un truc extraordinaire ! "

Trois coup d'ciseaux et un point d'colle,

Un ventilo, une chambre à air :

L'avion s'arrête au ras du sol

Et vient s'poser comme une pâqu'rette

Sur le tarmac en carton pâte

D'une aut' planète...

" C'est rigolo, j'n'imaginais pas çà d'en haut ! "

Mais l'air est pauvre en oxygène

Il ne faut pas s'laisser surprendre...

Une boite en fer américaine,

Du fil, un sac pour un scaphandre;

Un vieux tuyau sous un drap-housse

Et des lunettes anti-reflets...

" Bravo bravo ! Quel tour de force !

Un astronaute à moindre frais ! "

Les Sélénites un peu simplets

Viennent voir de près...

" Voilà mon affaire, un truc extraordinaire ! "

Et d'un vieux sac il sort des frusques

Qu'il distribue aux autochtones :

Ici un tutu et la un masque

De Sylvester Stallone !

Ils sont heureux les Sélénites

De se voir ainsi accoutrés

En star ou en héros du mythe

Qu'ils ont longtemps plébiscités.

Dans un théâtre new-yorkais

Il les fait rejouer Hamlet

Avec un texte un peu abstrait :

" Extra-terrestre ou ne pas être..."

L' art d' avant-garde n'est pas r'gardant,

On remplacera les chevaux ...

Par des brouettes !

" Par des brouettes ?

Mm... y'a p't'êt mieux à faire...

Où est passé mon chalumeau ? "

" Voilà mon affaire, un truc extraordinaire ! "

De mieux en mieux, mais qu'est-ce que c'est ?

Cà va trop vite pour l'entendement !

On dirait un d' ces vieux jouets

En métal peint pour les enfants.

C'est un engin à combustion

Un truc à base de salpêtre,

Car le moteur à explosion

Cà marche, dit-on, pourvu qu' çà...


Beaucoup d'amour et d'innocence

Très peu de science mais d'la patience

Il a le sens du non-sens

Et la justesse d'un vieux tromblon...

Des clous rouillés

Un vieux soulier

De la peinture dans la marmite

Une mandibule

Et un bâton de dynamite...





TU DORS



Tu dors tranquille

Sans bruit autour

Rien ne bouge...

Quoi ?

De l'eau qui coule

Un souffle long

Le grand lit...

Toi !


Je cours toujours

Quelle heure est-il ?

On voit rouge...

Quoi ?

Le temps qui roule

Les vents diront

Mon grand émoi.

C'est ton élan calme

Qui m'affole;

Mon accoutumance irréelle.

 
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